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UNE FEMME

nelly, que Dieu lui pardonne, elle respirait un bouquet de Rivalto, un bouquet de fleurs, si rares, d’un si haut prix alors, qu’elles semblaient être nées du seul amour de Rivalto, de son souffle créateur pour elle ! Qu’oubliait-il pour la rendre heureuse de son choix, pour lui créer un devoir de l’aimer ? Aussi, elle ne pensait plus à Haverdale

à peine elle l’entrevoyait dans ses joies flottantes

et lumineuses, comme un rève décoloré dans un coin désert de son palais d’erreurs : coin triste d’où elle se hatait de détourner la vue, comme on retire sa main de la pression furtive de la glace, si douloureuse à l’épiderme moelleux et brûlant.

D’abord elle ouvrit lentement ce qu’elle crut être une nouvelle surprise de l’ingénieux amour : par degrés, la couleur oubliée de ce mouchoir, les fleurs brodées par elle, et souillées de sang, la remplirent d’une terreur superstitieuse, et la seule ligne ajoutée à ce reproche sombre, entra jusqu’au fond de la femme infidèle ; elle pålit et fut obligée de s’asseoir ; l’air fut troublé autour d’elle ; elle porta ses mains à son cœur comme si le poignard invisible d’Haverdale l’eût atteinte. Elle comprit alors le frisson glacial de la blessure d’une épée, et demeura immobile sous cette sentence vengeresse : pour la première fois elle se demanda ce qu’on peut devenir en apprenant que l’on n’est plus aimé !…