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UNE FEMME.

semble à l’ivresse fantastique causée par l’opium, sans qu’une lueur du ciel vint lui montrer le précipice où elle se laissait tomber avec un bonheur trop accablant pour s’en défendre. N’était-elle plus fiancée ? un devoir infranchissable ne liait-il plus sa vie à lord Haverdale fidèle ? Un pacte solennel n’était-il pas passé entre eux ? Le mariage, ce mot irrévocable comme la mort, n’avait-il pas sonné dans sa destinée pour l’enfermer et la défendre de toute approche ? Oui, c’était irrémissible, enregistré au ciel peut-être ; mais elle l’avait oublié… Oui ! tuez-la si vous voulez, cette malade au teint rose, aux yeux pleins de langueur et de soie, elle l’avait oublié, comme ses dix-sept années passées sans Rivalto, comme tout l’univers disparu alors de sa mémoire ; et quand ce souvenir se dressa devant elle, sombre, reprochant, terrible, elle le trouva si redoutable, que par un effort d’immense courage, elle se rejeta toute entière vers l’abime, et l’arracha de son cœur qu’il voulait déchirer. Croit-on qu’il n’y ait que des roses dans l’inconstance ? ah ! sans parler de l’autre vie qu’elle menace, que de femmes bé niraient leur isolement au foyer, leurs larmes d’attente, leur abandon même, si elles pouvaient se dire en levant vers le ciel un regard chaste et pur : Encore et encore je ne suis pas coupable ! Fanelly ne le dira plus. Deux cents jours sont à