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UNE FEMME

cher à cette tristesse qu’il ne lui reprochait pas, il parcourut comme avec effort le clavier du piano que Claudia venait de quitter, pour donner quelques ordres relatifs au concert du soir. Privé de son soleil d’Italie, dont la clarté trop lumineuse enlève au climat le prestige de l’idéalité, accoutumé à ne trouver dans la musique qu’une source de volupté, il ressentait peut-être cette oppression vague et mélancolique qui la rend si poignante sous un ciel de brouillards, par les rêves indécis dont elle noie le cœur et l’imagination. Il se blessait lui-même de ses accents trop passionnés, comme les sons gémissants de l’harmonica fèlent quelquefois le cristal qui les produit et les exhale. Rivalto frémissait de sa voix, qui ne trouvant pas assez d’air pour s’étendre et se dissoudre au loin dans cette atmosphère sans écho, répercutait sur lui-même sa puissance accablante ; s’il n’eût cessé tout à coup, il fût tombé mourant, comme le rossignol épuisé d’harmonie, aux pieds de Fanelly tremblante et tourmentée ; de Fanelly en deuil et orpheline, qui, cherchant autour d’elle et ne trouvant qu’elle sous les yeux baignés de larmes de Rivalto, se sentit et s’avoua l’objet inspirateur de ses souffrances mélodieuses. Elle fut perdue ; elle but. en silence ce breuvage d’encens qui altéra tout ensemble la paix de sa conscience et de son cœur. Un mois s’éclipsa dans ce demi-sommeil qui res- (