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LE BAISER DU ROI.

— Ce n’est pas là seulement que j’aurais été vaincu par vous, belle méchante ! dit-il en la regardant en face et serrant sa main à la faire crier. Christine rougit et baissa les yeux vers la terre, non sans les avoir lancés pleins de dédain sur le maladroit émancipé ; mais la glace était rompue, le papillon engourdi prenait ses ailes : il rencontra donc et soutint ce fier regard avec une défiance assez insolente de sa sincérité.

Il y a plus de fougue dans cet automate qu’il ne semble, pensa confusément Christine, et mon père me force à jouer un jeu menaçant pour moi… Elle cacha, avec sa main, sa joue plus colorée, et fixa constamment les yeux sur l’échiquier, déterminée, par un vif accès de contrariété, à jouer aussi mal que possible pour mortifier son orgueilleux adversaire. Mais ce soin était inutile. Le petit champ de bataille tremblait sous les mains agitées d’Ericson, qui, reconnaissait à peine les pièces, les poussait à tort et à travers ; ses attaques sans jugement devinrent si faciles à déjouer, que la novice écolière, avec l’innocente joie que donne un succès inattendu, s’écria triomphante : Échec au roi par la reine !

— Cruelle ! riposta le comte en frappant du poing au milieu des pièces qui culbutèrent en désordre, ne souhaitez-vous pas faire le roi votre esclave ?