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LE BAISER DU ROI.

à ces phénomènes malfaisants qui cachent une peau de tigre sous leur manteau de roi.

— Seigneur ! seigneur ! interrompit le courtisan effrayé du courroux de son hôte dont les yeux brillaient comme la lame d’un sabre. Les saillies d’une petite fille monteront-elles jusqu’à votre éperon ? Elle n’est folle encore que de son petit chien, qui peut impunément la mordre et déchirer ses doigts, faibles comme des fuseaux. Voyez ! poursuivit-il négligemment, tandis que l’indignation du soldat s’amortissait à la vue de cette petite main d’enfant qu’on avançait presque sous sa moustache hérissée. Ses connaissances en guerre sont bornées jusqu’ici à la marche du jeu d’échecs ; cet espace étroit est son champ de bataille, continua-t-il en approchant lui-même la table où se trouvait placé à dessein le jeu passionné d’Ericson. Elle y combat si courageusement le général, que même un vieux soldat comme moi trouve quelque honneur à y réduire sa pétulante obstination de femme.

Rien n’était, selon toute apparence, plus propre à recomposer le maintien compromis du sauvage Ericson, que la perspective d’une partie d’échecs ; car, se retournant vers la rieuse et colérique enfant, il lui jeta plus courtoisement qu’elle ne l’en supposait capable, le défi d’engager une bataille avec lui.

— Mais si je vous battais ! repartit-elle en reprenant toute sa gaieté.