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LE BAISER DU ROI.

de rire bruyamment de ses propres paroles aussi lourdes que lui. Christine, dans la contrainte où la tenait son respect pour son père, semblait chercher à tout moment par quelle porte pourrait se sauver l’ennui mêlé d’indignation que lui causait la présence d’un tel prétendant à sa main. Son cœur, plein d’une image charmante, irrité de la présomption de ce morne rival, bondissait prêt à s’écrier : Le comte Ericson, miséricorde ! Le comte Ericson ! Et comme si l’insoutenable Ericson eût en la conscience des réflexions hostiles qu’il inspirait, il s’efforça tout à coup de lancer au-dehors tous ses pouvoirs de gloire, et se fraya une route nouvelle dans les bonnes grâces de la belle silencieuse, en lui demandant brusquement :

— Que pensez-vous d’Alexandre-le-Grand ?

Christine ne put retenir un candide éclat de rire au nez du sérieux questionneur. Jamais je ne pense à Alexandre-le-Grand, répondit-elle. Je me rappelle seulement qu’en lisant son histoire, j’en avais peur comme d’un fou ou d’un homme enragé. Ericson réclama avec vivacité en faveur du courage le plus prodigieux que le monde ait jamais admiré.

— S’il eût été prodigieusement sage, comme il était prodigieusement conquérant, il eût appris à se gouverner avant d’apprendre le gouvernement du monde.

Ericson rougit jusque dans ses cheveux ardents