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LE BAISER DU ROI.

ronnant lui-même, dont l’énergique volonté venait d’abattre les forces réunies du Danemarck, de la Saxe et de la Russie, se soumit jamais à consulter timidement l’étiquette des cours pour le choix d’une compagne ; qui pouvait dès-lors empêcher que dans sa riche et belle héritière, le comte Piper ne s’accoutumât doucement à voir la future reine de Suède ?

Tout suivait donc son cours naturel sur la fragile humanité : l’admiration à demi révélée du jeune roi pour ses charmes ne manqua pas de produire une impression vive sur un tendre orgueil de femme : elle savait qu’elle était belle, mais l’assentiment d’un roi est d’une valeur merveilleuse devant tout l’univers, ce rêve caressant la remplissait d’une gaieté si vive, et en même temps si pure, que ce qui eût paru insoutenable dans un esprit ambitieux et rusé, augmentait l’attrait irrésistible d’une jeune fille sincère, amoureuse d’éclat, ravie d’une distinction qui justifiait la passion d’Adolphe, sans alarmer son innocence. Peut-être en effet son amour pour lui n’en était-il que plus complet, plus pieux, plus fier ; elle ne voyait au loin tous ces regards attachés sur elle que pour lui dire à lui, dans un seul regard :

— Je te les donne tous ! car c’était seulement quand il s’approchait d’elle que sa voix devenait tremblante ; que l’éclat de ses yeux devenait hu-