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LE BAISER DU ROI.

— Je le pense de même… et tu es donc bien heureuse, toi ?

— Quelle demande ! je te vois tous les jours ; est-ce qu’il nous manque quelque chose ?

Adolphe la regarda, rêveur, sans lui répondre d’abord, puis il dit avec un soupir :

— Je te trouve bien prudente.

— Je ne veux pas briser un cœur de père.

— Non ! mais le mien !

Adolphe, si je ne suis pas ta femme avec le consentement de mon père, je n’en épouserai jamais un autre ; mais voilà tout, tout ce que je peux te promettre.

Le jeune soldat se rembrunit ; marcha vivement à travers la chambre, s’arrêtant à chaque tour pour contempler ce doux tyran qui le tenait si insoucieusement dans ses chaînes. Christine essayait de se maintenir grave ; mais deux fossettes mignonnes qui donnaient tant de charme à sa bouche étaient près de reparaître sur la plus légère provocation à ce rire du cœur qui le faisait battre avec tant d’égalité. Celui d’Adolphe ne palpitait pas sur ce mode riant ; c’était un amant tout entier, dont l’imagination jalouse et pénétrante ne considérait plus Christine que comme un trésor gardé par deux monstres propres à tuer toutes les espérances : l’ambition et l’avarice.

Tandis qu’ignorante des desseins de son père,