Page:Desbordes-Valmore - Le Salon de lady Betty.djvu/41

Cette page n’a pas encore été corrigée
33
UNE FEMME.

l’intérêt et l’attention qu’il ambitionnait sans l’avouer encore. Musicien comme l’oiseau, doué d’une voix obéissante au brûlant instinct d’harmonie qui couve dans toute poitrine italienne, d’une de ces voix vibrantes, imprégnée d’un danger pareil à celui des parfums subtils et invisibles des fleurs ; il savait tout dire : si jeune encore, il connaissait sa puissance sur les nerfs admiratifs de la femme, la femme, prière vivante et renfermée, pieux instrument qui résonne sous tout ce qui le frappe et la monte jusqu’au délire et jusqu’aux pleurs, qui écoute, qui accueille, qui appelle ses sons sympathiques, y mêle son âme pour l’élever avec eux au ciel, comme un appui plus divin et plus fort. Fanelly, assise dans sa sécurité virginale, se livra d’abord avec un entraînement pensif à ce charme dirigé contre elle ; elle se serait crue déshéritée du ciel si elle n’en avait été saisie comme tout le monde. C’était pour elle, en effet, une mar nière nouvelle de prier, de bénir Dieu dans le deuil dont il la couvrait déjà ! Quel chant d’église ett fait naître en elle de plus consolantes espérances ? aussi elle écoutait !… aussi elle était folle : oui, folle selon nos mœurs, selon nos lois, folle d’un fanatisme religieux, infiltré par cette musique idéale, adorée en Angleterre, et qui fait des ravages effrayants sur les âmes impressibles de quelques jeunes miss qu’elle enivre.