LA PRÉCIEUSE. 127
venu, dès le lever du soleil, ce fut dans la maison un terrible remue-ménage. On criait par les escaliers. On montait et descendait valises et portemanteaux. Le jeune homme devait voyager à cheval, suivi d’un domestique, et il avait été convenu que pour avancer d’autant sa première étape, il sortirait d’Edimbourg, aussitôt les portes de la ville ouvertes. Certes,
Jenny n’avait pas eu besoin de tout le vacarme des valets pour être éveillée. La pauvre fille n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Elle avait, entre autres magnanimes projets, roulé celui de ne pas paraître au parloir, au moment des adieux de Mortimer. C’eût été là, avait-elle pensé, un admirable moyen de témoigner son dédain et son indifférence. Après y avoir mûrement réfléchi, elle abandonna ce beau projet.
Ce sera en vain, se dit-elle, que je resterai obstinément couchée ; mon père est capable de m’amener ce jeune homme, et de me faire lui donner la main de mon lit.
— En vertu de cette sage prévision qui n’eût pas, en effet, manqué de se réaliser, au petit jour miss Forster descendit au parloir où se trouvaient déjà son père et Mortimer. On avait servi le thé, dont personne n’avait goûté. Un silence pesant régnait, qui n’était troublé çà et là que par un certain sifflement imperceptible de M. Forster.