LA PRÉCIEUSE. lorsqu’il n’est pas en verve : Jenny se coucha. Elle avait pris selon son usage cette épitre lyrique que M. Fitz-Gérald lui avait, on se le rappelle, adressée. Cette épitre était sa seconde prière du soir : chaque soir en son lit, elle la lisait et relisait longuement, et toujours dans une extase nouvelle. Les vers du grand poëte n’eurent point leur effet accoutumé : o inconstance de l’admiration hu maine ! elle ne les trouva plus si parfaitement beaux ; bien plus, ils lui tombèrent des mains avant qu’elle les eût achevés ; elle s’endormit en réfléchissant que la pièce avait peut-être bien quelques longueurs, comme parfois la conversation de l’auteur.
Le sommeil de la jeune fille fut pénible et agité. Ce bon sentiment de repentir, qui avait inquiété sa veillée, la poursuivait encore et troublait son repos : vers le milieu de la nuit un rêve affreux la réveille en sursaut ; il lui avait montré son cousin mourant dans cette alcôve où elle l’avait vu couché le matin. Après s’être un peu tranquillisée, en se répétant que son imagination tourmentée avait seute enfanté ce mauvais songe, elle était parvenue à se rendormir : mais bientôt le même horrible cauchemar la vint assaillir et réveiller de nouveau. Elle poussa un cri en se mettant sur son séant, puis elte écouta : il lui sembla entendre un bruit sourd et des pas dans les corridors. 1