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LA PRÉCIEUSE.

duire. Chemin faisant, ce grand poëte tint à la pauvre enfant des discours où il se surpassa lui-même ; son éloquence élégiaque et boursoufflée n’avait rencontré jamais d’inspirations plus heureuses ; il était las du monde et de l’indifférence humaine ; pourquoi sentait-il si vivement et si profondément ? était-ce à lui de s’affliger des torts universels du monde ? Mais les âmes de poètes étaient ainsi faites ! non contents de leurs propres douleurs, ils empiétaient incessamment sur celles des autres. Il abjurait, quant à laï, cette surabondance de sentiment, il ne voulait plus pleurer que ses proprès peines, il aurait encore assez de larmes à répandre. Fitz-Gérald continua sur ce tón durant toute la route’, et laissant miss Forster à sa porte, il lui glissa mystérieusement un" papier qu’il accompagna d’un regard extravagant tout à fait en harmonie avec le dithyrambe mélancolique qu’il venait’d'improviser ! Or ce papier, que la jeune fille, une fois retirée en sa chambre, se hâta d’ouvrir tout émue et tremblante, ne contenait rien moins qu’une longue pièce de vers, sorte de déclaration d’amour mystique et discrète, où Jenny retrouva, enrichies de rimes, toutes les exclamations douloureuses que Fitz-Gérald lui avaient débitées en la ramenant. A la lecture du chef-d’œuvre, miss Forster se sentit remuée vivement ; elle se prit à rire et à pleurer, une inexprimable joie la possédait, c’était la pre- 6 2