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LA PRÉCIEUSE.

gaire. Jenny pensait que les opinions de Mortimer étaient au fond assez raisonnables ; mais il les exprimait d’une manière si simple et si naturelle, que c’était pitié.

Cependant Fitz-Gérald, mécontent de la contradiction, avait résolu d’écraser tout d’une fois le nouvel antagoniste qui avait osé, si modestement que ce fut, entrer en lice contre lui. — Monsieur, dit-il pompeusement, prétendezvous nier que la passion est l’âme de l’éloquence, la moelle de la poésie, l’arc-en-ciel qui rassemble toutes les nuances du sentiment et de l’imagination, l’étoile qui éclaire le doute, l’arrosoir qui verse la rosée du ciel sur le voyageur altéré ? N’est-ce pas la passion qui fait briller le cimeterre de l’écrivain et aiguise le poignard du satirique ? n’est-ce pas elle qui est le souffle même de l’amour ? — Admirable, magnifique ! murmura Jenny, quel flot d’idées, quel torrent de métaphores ; et elle soupira profondément. Il

est vrai de dire, que Fitz-Gérald débitait ces niaiseries inintelligibles et ambitieuses avec une si imposante apparence d’enthousiasme et d’un air si passionné, qu’il ne faut point trop sévèrement juger Jenny parce qu’elle admirait ces belles choses dans la sincérité de son âme. — C’est sur papier seulement,

que le galimathias prétentieux trahit tout son ridicule.

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