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UNE FEMME.

qui entra jamais sous le toit d’un célibataire, pour monter du rang de première servante à celui de maitresse de maison

Aussi n’était-ce pas le hasard seul qui avait placé cette silencieuse fille sous l’autorité d’un maître à la fois solitaire et raconteur. Elle avait été cherchée, étudiée et choisie par madame Thorns, nièce prudente du vieux marehand ; et comme cette dame vivait beaucoup dans l’avenir, elle avait souvent frémi que son oncle, à travers sa solitude et son embonpoint, ne demeuràt pas toujours doué de cette discrétion qui sied si bien aux oncles riches quand les nièces ne le sont pas assez. Son imagination vive et craintive tout ensemble se figurait par fois cet homme si peu mouvant, escaladant tout à coup le mariage par un soubresaut inattendu. Cette recrudescence imaginaire poursuivait le repos de la tremblante héritière jusqu’à mêler souvent un peu d’aigreur au miel de son lien avec M. Thorns, marchand de bas dans la Cité. Celui-ci par bonheur n’avait d’oreilles que pour l’addition de la vente de chaque journée, compte toujours satisfaisant, vu l’inquiète rigidité de cette épouse qu’il avait prise comme pièce de comptoir, sans être un moment arrêté par la raideur et la sécheresse de son aspect, que rehaussait la couleur d’ocre de son vêtement. D’ailleurs la dot avait un peu arrondi tous les angles aigus du caractère de șa