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UNE FEMME

vers par les poètes et les optimistes, avait pu si avaricieusement frustrer de ses faveurs, un être destiné à faire partie de cette frèle moitié de l’homme appelée bardiment et quand même : le beau sexe ! n’avait-elle rien de mieux à faire que d’infliger à Sally Sadlins une amplification de taille qui lui donnait des droits incontestables au grade de caporal de grenadiers ? ne pouvait-elle au moins, en lui accordant cette haute et fabuleuse stature, la remplir d’énergiques et fortes pensées ? toutefois, privée du charme qui attire, elle ne fut, par bonheur pour son repos, dotée d’aucune impressionnabilité de cœur : si Sally n’était pas née pour être adorée, nulle femme ne pouvait le regretter moins. On peut affirmer en toute certitude que le fantôme même de l’amour n’effleura jamais son imagination, ni ne troubla d’un soupir le sommeil profond de ses nuits et de ses jours. Elle avait entendu çà et là, quelques personnes parler de l’amour ; elle supposa done, si toutefois elle était en état de supposer, qu’il devait y avoir par le monde quelque chose qui s’appelait ainsi ; car on n’invente point un nom, pour en discourir ; mais comme cette chose impénétrable ne la regardait pas, elle ne prétendait pas plus à deviner cette énigme qu’à décrire les éléments de l’air qu’elle respirait sans y penser depuis sa naissance. Enfin Sally était la plus innocente, la plus simple et la plus désintéressée des mortelles