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UNE FEMME.

même versée dans l’art de l’élocution, devint en revanche une si parfaite écouteuse, que M. Fogrum commença à goûter un plaisir délicat, après avoir recueilli par la ville une foule de petites nouvelles et d’anecdotes, à venir les raconter à Sally, auditoire toujours attentif bien que muet, dont les yeux brillaient assez pour prouver qu’ils ne dormaient pas, et dont les oreilles n’eussent pas été distraites de son devoir par un tremblement de terre. Qu’on se garde toutefois de supposer rien que de candide dans l’espèce de galanterie qui règnait, à leur insu, entre ces deux personnages : un seul coup-d’œil sur Sally pouvait convaincre le plus intrépide artisan de scandale, que dans ce commerce étroit et sans nuages, il ne se trouvait qu’un narrateur infatigable, content de ses récits, et un public vierge, toujours satisfait d’entendre des sons sans les comprendre ; car Sally ne comprenait rien. Son intelligence était un abime qui ne rendait rien de ce qu’il recevait, un instrument qui n’avait jamais vibré sous aucune parole, sous aucun fait. Les traits seuls de Sally étaient un bouclier sur lequel venaient s’amortir tous les javelots de la calomnie. Sa vertu s’y montrait, non en beau, mais avec une rudesse d’expression, qui persuadait l’incrédule, et désarmait honteusement la curieuse malignité. Ceux qui avaient le courage d’y revenir à deux fois se demandaient comment la nature exaltée à tort et à tra-