beaupré au nombre de douze. Ce manège ne prit que vingt minutes, durant lesquelles la cargaison tout entière glissa hors du cutter et disparut dans les sinuosités du roc, puis fut emportée au loin en lieu de sûreté, à travers des sentiers connus des seuls smoglers.
Il faisait alors tout à fait nuit ; l’obscurité ajoutée à la rudesse de la mer qui hurlait le long du rivage et se ruait sur le vaisseau qu’elle inondait de torrents d’eau, rendait le service des matelots difficile et dangereux. Frank, avec la prudence et le sangfroid auxquels le succès de ses plus audacieuses entreprises pouvait être attribué, avait fait éteindre les lumières du rivage ; au moment où l’entreprise semblait toucher à une si heureuse fin, il donna vivement l’ordre de les rallumer en même temps que celles du cutter. Les marins continuèrent leur pénible travail avec un redoublement d’énergie, et cette scène se colora d’un reflet tout particulier. Toutes ces lumières s’élançaient flamboyantes comme des yeux de démons agitant une ronde infernale le long de la terre et des noirs rochers. Les figures bizarres des hommes illuminés par la flamme rouge et sombre, des torches qui disparaissaient çà et là dans l’obscurité ; les rochers suspendus sur leur tête et dont les cimes élevées se perdent dans un ciel noir, le choc du navire roulant sur luimême comme sur un pivot, le rugissement de la