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UNE FEMME.

Il se rappelle qu’il est Smogler. Son regard ardent et confus, glisse et tourne autour de ce cou flexible qui se baisse et se relève comme celui du .cygne. Mais il ose, à la fin, ressaisir de toute la puissance des siens, ces yeux qui étincèlent de pudeur et de joie à travers le voile, soyeux de leurs longs cils ; il contemple, oppressé, sur ce front doux et blanc, des cheveux noirs, lustrés comme le plumage du corbeau, qui l’inondent de leurs boucles épaisses ; il parcourt curieusement ce maintien nouveau,

où la crainte se mêle à la confiance du souvenir ; il veut cette main timide presque avancée vers lui comme si elle cherchait à être demandée… Jane, alors, rentre toute entière dans le cœur entr’ouvert du jeune homme ; dans sa mémoire, dans son âme, dans ses sens, et se reculant d’un pas qui tremble et qui chancèle, il ôte son chapeau et la salue humblement comme si elle représentait toute la majesté de son sexe. Un tel hommage était suffisant pour la pudeur ; eh ! ne l’était-il pas pour l’amour ? Jane se pencha en avant ; leurs mains se rencontrèrent, leurs regards échangèrent un livre entier de craintives confidences, et Frank réadmis, dans l’espace d’une seconde, au privilége d’une amitié d’enfance, enlaça fortement dans ses bras sa rougissante mattresse ; puis, sur ses lèvres pourpres et entr’ouvertes, se signa son amant dans un long baiser.