tairement que la sensitive dont l’effroi virginal se recule devant l’objet imprévu qui l’approche. Elle l’avait bien reconnu ! c’était Frank-Hardi lui-même qui promptement informé du retour de sa petite compagne dans ce pays si désert sans elle, se hâtait en riant de venir à sa rencontre.
Qu’a-t-il donc vu tout à coup de si terrible pour s’arrêter là sans mouvement et comme foudroyé devant celle qu’il appelle sa sœur ? pourquoi ce saisissement ? ce trouble sérieux qui suspend la parole dans sa bouche intimidée ? c’est que l’adolescente qu’il cherche lui apparaît transformée en femme ; elle n’a rien perdu de la svelte légèreté d’un enfant, et elle a conquis des formes plus moelleuses sa blancheur primitive, s’est colorée d’une teinte veloutée, suave ; la délicate figure d’autrefois qui, comme une vision, avait flotté à ses côtés durant leurs jours d’innocence, ces jours fugitifs où l’on se regarde grandir sans s’apercevoir que l’on grandit, où l’on croit que l’on est venu, que l’on restera toujours ainsi : cette figure vague et lointaine est là présentement sous ses yeux comme un modèle d’élégance et de dignité ; coulée, on l’eût dit, dans un moule où la nature satisfaite vient d’arrèter sa main au point que l’imagination et le cœur n’ont plus rien à demander, plus rien à rêver, et Frank la contemple dans un étonnement presque triste…