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UNE FEMME

détournait avec une sorte d’impatience quand le prestige, dont son aspect était rempli, attirait trop longtemps sur lui de beaux yeux dont il ne voulait être ni l’esclave ni le maître. Puis quand le cours de l’année ramenait la saison des études sérieuses, les songes s’envolaient, la réflexion rajustait les vagues et jeunes fantaisies éparpillées çà et là dans le bruit et les parfums de ces nuits dansantes ; ces beautés aériennes laissaient de côté le dangereux roman pour reprendre la lecture plus grave de l’histoire : elles se ressouvenaient, enfin, que Frank, bien qu’il fût un héros, ne pouvait être leur héros ; quelques-unes déploraient au fond de leur àme, que Frank-Hardi se fut fait smogler, lui si brillant, si brave, si beau ! Ah ! c’était bien mal à Frank ! c’était à le haïr de ne pouvoir pas l’aimer ! mais détournant courageusement la tête de l’autre côté, elles dirigaient leurs prudentes investigations vers un établissement plus confortable : ces charmantes rêveuses, douées par bonheur d’un sens subtil et droit, épousaient tout à coup des officiers dont le service rigide était dirigé précisément contre le héros illégal qu’elles avaient regardé de profil à travers l’enivrante atmosphère d’un bal. Il y eut une exception vivante et réelle parmi toutes ces passions vaporeuses : ce fut Jane, l’humble et belle Jane Darcey, dont le cœur s’ouvrit, puis se referma, sur l’image ineffaçable de Frank.