L’ALBUM DE LADY BETTY. intrépidement les pages de leurs serapbooks de mes aquarelles et de mes poésies. Pendant que je m’escrimais ainsi de la plume ou du pinceau, Betty regardait patiemment par-dessus mon épaule, tandis que Barbara, pour se divertir et m’inspirer, frappait des deux mains et de toutes ses forces les touches du grand piano à queue qui n’en pouvait mais. Au surplus, mon succès était prodigieux. A Dakenshade j’étais proclamé d’une voix unanime le prince des poètes et le peintre du siècle. Tant de louanges m’avaient encouragé outre mesure. J’allais, j’allais. Les rimes ne me coûtaient guère et je ne me gênais pas avec elles. Je prenais toutes les licences poétiques possibles. Quant à mes paysages, je n’usais pas d’une moindre liberté. Je me moquais superbement des lois de la perspective. Arbres, maisons, rochers, chevaux et cavaliers, moutons et bergers, tout était de même taille et de même con leur ! Qu’importe ! Betty voyait là mille beaux effets que je n’avais nullement songé à produire, et que nul autre qu’elle assurément n’eût aperçus ! J’étais un Claude Lorrain en herbe ! Je promettais un nouveau Salvator Rosa. Malgré ma modestie naturelle, j’admirais cette pénétration de Betty. Je finissais par être de son avis. Après les heures d’études, venaient les heures d’exercices et de promenade. Barbara était une excellente amazone. Betty, loin de là, était peureuse
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UNE FEMME