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UNE FEMME.

Comme j’étais à cette heure son voyageur bien venu, sa seigneurie ou son honneur, et que j’avais du temps à perdre, je me laissai diriger sans résistance vers un mur envahi par le lierre qui sépare ces deux enclos de la mort. Mon guide me fit lentement observer que ce mur humide, d’une épaisseur prodigeuse, est l’unique, mais inébranlable ligne de démarcation entre deux paroisses qui ne se rejoignent en dehors qu’au cimetière, comme à leur triste et dernier rendez-vous. J’appris de plus, du prolixe narrateur, que ce lieu désert n’avait pu se vanter de chapelle ni d’église avant le règne d’Édouard III, auquel temps, poursuivit-, deux riches cohéritières de cette vallée immense et des bois profonds qui l’enferment, placèrent maladroitement leurs vierges affections sur le jeune seigneur des terres attenantes : que ce nouveau Pâris, d’une humeur prodigieusement reconnaissante, rèva longtemps au moyen de les épouser toutes deux ; mais qu’il ne put, par malheur pour elles, en inventer un légitime.

Les droits de l’une et de l’autre à son amour étaient d’une égalité tellement parfaite ; il trouva tant de difficulté à décider sur laquelle des deux belles rivales il devait fixer son choix, qu’il laissa ce grave procès à débattre entre les tendres plaideuses. Comme

c’était précisément une dissidence sur la-