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Cher Prosper, viens le voir pendant les Saints Jours. St-Remi est bien défait sans toi. À tout instant le souvenir du passé, qui est souvent comme une illusion vive, me fait croire que je vais te voir dans la prairie ou vers les ruisseaux. Je ne pourrais vivre longtemps ainsi séparée de moi-même. Mon âme se retourne à tout instant de ton côté, je te vois ennuyé comme moi, poussant le temps des deux mains pour qu’il avance, et cela fatigue. Si tu venais, je retournerais avec toi. Tu verrais petit Prosper qui te recevra les bras ouverts. Drapier en saute d’espoir, tu sais comme il t’aime et ma sœur me dit de tout employer pour obtenir de toi ce bonheur pour toi-même. Songe, mon petit ami, que l’occasion ne s’en trouvera plus, et que ce léger sacrifice nous sera bien payé par le plaisir. Donne-le moi si tu peux et tu m’emmèneras avec toi, veux-tu ? Ils comptent rester ici encore jusqu’au trente avril. La même incertitude existe pour leur avenir. J’ai trouvé ma sœur très changée et très maigrie. Si tu vois mon oncle, dis-lui bien que l’affaire d’Espagne serait agréée si elle était sûre et avantageuse. L’expatriation est bien triste, mais que faire ? Camille me dit qu’elle désire bien t’embrasser de vive voix. Moi, Prosper, je meurs déjà du besoin de te voir et de me sentir près de toi. J’ai froid partout, excepté dans la chaumière où je te désire encore. Oh ! pourras-tu ne pas venir ?