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férences politiques (quoique on en ait dit), ayant l’esprit trop large et le cœur trop grand, pour obéir à ces étroites idées de parti que lui ont prêtées ceux qui l’en blâmaient, ou ceux qui l’en admiraient. Et si presque toujours, son affectueuse pitié se penche vers le peuple, c’est que le peuple souffre davantage. Toute infortune, juste ou imméritée, éclatante ou obscure, trouve en elle un écho : le retour des cendres de l'Empereur, « de l’Empereur volé par l’Angleterre, » la captivité à Ham de celui qui, plus tard, s’appellera Napoléon III, la condamnation à mort de Barbès, l’exil de Raspail, l’insurrection de 1834, à Lyon, pendant laquelle elle va, par les rues ensanglantées, soigner les blessés et consoler les veuves, — toutes les soiffrances en un mot lui arrachent des larmes, des cris de compassion, des appels vers la clémence et vers la bonté…

Quelle mère devait-elle être avec une telle âme ? Ses poésies et sa correspondance nous le révèlent. Mais il faut tout dire : si elle fut aimée pieusement, sans réserve, par son fils Hippolyte, celui qui ne fit pas même passer sur elle l’ombre d’un chagrin, Ondine et Inès mirent souvent sa tendresse à l'épreuve. On eut dit que ces deux enfants, conçus dans la tristesse et la pauvreté, en avaient dans le sang une inoubliable amertume. À mesure qu’elles sortaient de l’insouciance du jeune âge, leur caractère se modifiait sous l’action