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approche, je l’espère, où ma persévérance sera récompensée. J’en ai besoin, je te l’avoue, mais en ce monde, n'avons-nous pas tous besoin d’un peu de philosophie ? Je te la recommande, mon cher Félix, et cette recommandation accompagnée de l’assurance de mon éternelle amitié doit te trouver docile.

Ah çà, mon ami, je te défends sérieusement d’être en colère contre tes deux sœurs. Je veux bien que tu m’aimes un peu plus que les autres, mais je ne veux pas te voir injuste. Elles sont enterrées dans deux villages fort tristes. Leurs petits ménages ne sont pas trop heureux, mais quand elles m’écrivent, c’est toujours pour me demander si j’ai de tes nouvelles, ou se réjouir de celles que je leur donne de toi. Je t’envoie vingt francs par la voie que tu m’indiques, et qui est, je le sais, la voie la plus sûre. C’est bien peu, cher Félix, mais je n’ai pas besoin de te faire des sermons pour te faire croire que c’est tout ce que je puis. Quand je pourrai renouveler cette petite douceur, je m’en ferai une fête. Cela fait du bien à un prisonnier qui la reçoit et à une sœur qui l’offre. Mais ce napoléon que je t’envoie aujourd’hui, tu ne m’en dois nulle reconnaissance. C’est un enfant, beau comme le jour, qui a deux ans, et qui se nomme Eugène, qui me l’a remis pour toi. N’oublie pas ce nom-là.»