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PRIÈRES.


Ce qu’elle avait perdu, qui pouvait le lui rendre ?
Aux enfans orphelins on ne rend pas les morts :
Mais seule, jour par jour, elle venait d’apprendre
Qu’un goût divin se mêle aux douleurs sans remords.

Il fallait lui laisser Dieu pleurant avec elle ;
N’en doutez pas, « Dieu pleure avec les innocens. »
Et vous l’avez volée à cet ami fidèle ;
Et vous avez versé la terre sur ses sens.

Vous avez dévasté la belle âme ingénue ;
Elle sait aujourd’hui la chute de l’orgueil.
Dieu vous demandera ce qu’elle est devenue :
Pour un ange tombé tout le ciel est en deuil.

Ah ! pour l’avoir tuée en mourrez-vous moins vite ?
Le tombeau, qui prend tout, vous fait-il moins d’effroi :
Il prend tout. Comme une ombre affligée ou maudite,
Vous quitterez la terre, en fussiez-vous le roi !