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PRIÈRES.


Car, tu ne t’en vas pas enfin quand je t’en prie :
Que veux-tu ? Que sais-tu, fier de ta moquerie,
Si tu n’outrages pas ton Dieu pleurant en moi,
Triste dans sa grandeur d’être raillé par toi ?

Oh ! n’as-tu donc jamais sur ma frêle figure,
Vu passer entre nous un lumineux augure,
Quand je creuse mon âme à chercher, inhumain,
Le fil mystérieux qui suspend dans ta main
Cette âme, pauvre oiseau dont tu serres les ailes,
Et qui les voit tomber sans descendre après elles,
Comme heureuse, après tout, de perdre le pouvoir
D’échapper à son sort : Aimer, pleurer ; te voir !

Dis toi-même : où va-t-on, devancée et suivie
D’une image, une seule attachée à sa vie ?
Où fuir, alors que, cher et fatal à la fois,
Un seul mot d’une voix couvre toutes les voix !

On s’est connu si jeune ! on s’est dit tant de choses !
On a vu se lever tant de jours, tant de roses,