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PRIÈRES.

Et l’air le plus ténu forme ma nourriture,
Fruit creux et décevant que l’avare nature,
Tira de mes discours que l’on trouvait si beaux ;
Ami ! que d’éloquence est tombée en lambeaux !

Mais le souffle me manque à lancer ma colère ;
Va-t-en : ton embonpoint commence à me déplaire.
Tiède et vivant coussin de quelque pied royal,
Échappé des genoux du sanglant cardinal,
Va-t-en ! ta pitié feinte et ta joie effrontée,
Soulève de nouveau ma misère irritée :
Tout visage qui rit n’est qu’un masque moqueur
Et je sens bien du fiel couler où fut mon cœur !

Le chat dont les yeux d’or flamboyaient sur la robe
Du reptile affamé, s’écarte et se dérobe :
« Il m’empoisonnerait, dit-il avec effroi,
Et je vais me blottir dans les genoux du roi. »