Prenez mon bras. Ce pré nourrit mal vos talents,
Je vous trouve un peu maigre. À nos mets succulents
Venez vous arrondir »
« Ah ! dit le sycophante,
Ma voix plus que la tienne y monta triomphante.
Où l’on flatte, où l’on dîne, où l’or coule en ruisseaux,
On l’y nourrit longtemps de délicats morceaux !
Comme toi, courtisan à l’épaule penchée,
Touchant au fond des cœurs une corde cachée,
Vices de cour étaient poétisés par moi :
Les princes m’embrassaient. J’ai fait sourire un roi !
Magnétisant l’oreille à mes douces paroles,
Spéculant avec art sur les passions folles,
Je visais droit et juste en chatouillant l’orgueil,
Tu ris, mon camarade ! ah ! tu connais l’écueil :
Évite-le. Jaloux de mes brillantes ruses,
Un soir, sans écouter mes sonores excuses,
Le sort trancha le fil argenté de mes jours,
Et me reprenant tout, me fait flatter toujours !
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PRIÈRES.