Page:Desbordes-Valmore - Bouquets et prières, 1843.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
PRIÈRES.

Qui, pour nourrir leurs nids, percent les durs sillons,
Et partagent le grain de milliers d’oisillons :
Pourquoi vous ai-je vu tout-à-coup triste et pâle,
Couvrir de vos deux mains vos traits brûlés de hâle,
Tel qu’un homme hâté s’arrête de courir,
Et dit en lui : C’est vrai, pourtant, il faut mourir !
Puis qui reprend sa route avec la tête basse,
Comme si d’un fardeau son épaule était lasse ?
Ah ! c’est que des points noirs troublent un ciel vermeil,
Quand nos yeux éblouis ont vu trop de soleil.

C’est qu’on n’a pas encore, à chaque âme qui tombe,
Aplani le chemin du baptême à la tombe ;
C’est qu’à cette âme en pleurs de sa chute du ciel,
On refuse déjà le froment et le sel ;
C’est qu’il ne passe pas franc de port sur la terre,
Ce problème, scellé d’espoir et de mystère ;
C’est que l’on ne veut pas, même au prix de travail,
Laisser l’herbe au troupeau sans pâtre et sans bercail.
Le travail ! le travail, et le pain sans aumône,
Dieu l’a semé pour tous : on nous prend ce qu’il donne.