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PRIÈRES.

Le regard ébloui cherche à se dessiller,
Car on croit voir… on voit les maisons vaciller ;
Et des toits ébranlés les craquemens horribles,
Des fondemens minés les bruits sourds et terribles,
Et la femme qui fuit, criant : Pitié sur nous !
Et le vieillard tombé qui se sauve à genoux,
Tout dit que le fléau qui roule et se soulève
A coupé ses remparts comme au tranchant d’un glaive.

Là-bas deux ramiers blancs aux brouillards suspendus,
Plus constans, plus heureux que leurs frères perdus,
De leur humble palais accompagnent la fuite,
Reste unique et flottant d’une maison détruite :
Mais l’homme, dans sa force, est partout refoulé ;
Chaque rue est un lac où l’abîme a roulé ;
La cité des martyrs dans l’onde agenouillée,
Écartant les lambeaux de sa tête mouillée,
Comme une pauvre veuve en ses bras amaigris
Renferme avec terreur ses enfans sans abris,
Des fleuves repoussant l’étreinte épouvantable,
Vers ses lointaines sœurs jette un cri lamentable.