AU JEUNE PARALYTIQUE
« J’avais au plus dix ans : dans un âge aussi tendre,
« Je connaissais l’amour, tel qu’il se peut attendre,
« Dans un cœur de dix ans. Et je ne désirais,
« Que la voir et l’aimer ! et je ne demandais,
« Que de ses blonds cheveux une boucle soyeuse,
« Et parfois un baiser de sa bouche rieuse.
« Et j’étais le plus vieux, car elle avait huit ans ;
« Et je l’aimais ! …
« … Eh bien ! rappelons-nous ces rêves ;
« Ces parfums respirés et ces paroles brèves :
« Je t’aime ! oh ! pense à moi ! Ces sentimens passés,
« Que le temps a pâlis, mais n’a pas effacés.
« Depuis lors, j’ai gardé, pendant longues années,
« Les boucles de cheveux qu’elle m’avait données ;
« Fidèle, j’ai gardé, bien qu’il soit tout flétri,
« Son petit gant d’enfant… C’est le larcin chéri !
« Voilà le souvenir tout fleuri d’innocence,
« Qui drape le matin de mon adolescence ;
« Voilà mon autre-fois, le bon temps, mes amours,
« Le jadis, dont mon cœur se souviendra toujours,
« Qui soulève en mon sein une vague ondoyante,
« Et tourne autour de moi comme une ombre flottante.
« Depuis lors, bien des jours sur ma tête ont passé,
« Mais le bonheur, jamais ! »
Où t’a-t-on vu, poète à la voix douloureuse
Et pure, au cœur sonore, à l’enfance amoureuse ?
Où t’a-t-on vu, jeune ange au pied silencieux,
Prendre haleine, et chanter en passant pour les cieux ?