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Des malheureux surtout je retenais l’histoire,
Les chants tristes plaisaient à mes chagrins rêveurs ;
Des sages en glanant j’amassais les faveurs :
L’indigent qui voyage enrichit sa mémoire.
Cet invisible bien, qu’on n’a pu me ravir,
À distraire vos maux il devait me servir.
Pour mes secrets, qu’importe ? Outragé par l’envie,
Découragé, puni des plus nobles penchans,
J’ai voulu voyager seul à travers la vie,
Pour ne m’égarer plus au chemin des méchans.
Leurs flèches, leurs clameurs, m’insultèrent dans l’ombre ;
Je jetai mes lauriers qui frappaient leurs regards ;
Et, méconnu, cherchant de plus humbles hasards,
Je m’écriais, alors qu’ils outrageaient mon ombre :
Voguez, voguez, ma barque, et sans guide et sans peur.

« Quelque part que le veut nous pousse et nous égare,
Il ne peut nous jeter sur un sol plus barbare,