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IDYLLES.

Ton regard me pénètre, et semble m’accuser ?
Je te pardonne, ingrat, tout ce qu’il semble dire ;
Mais laisse-moi du moins le temps de m’excuser.

J’ai vu nos moissonneurs réunis sous l’ombrage ;
Ils chantaient ; mais pas un ne dit bien ta chanson.
Ma mère, lasse enfin de veiller la moisson,
Dormait. Je voyais tout, les yeux sur mon ouvrage.
Alors, en retenant le souffle de mon cœur,
Qui battait sous ma collerette,
Je fuyais dans les blés ainsi qu’une fauvette,
Quand on l’appelle, ou qu’elle a peur.
Je suivais, en courant, ton image chérie,
Qui m’attirait, souriait comme toi ;
Mais aux travaux de la prairie
Les malins moissonneurs m’enchaînaient malgré moi.
L’un m’appelait si haut qu’il éveillait ma mère ;
Je revenais confuse, en cueillant des pavots,