L’embrase, & de ce fer qui blesseroit un Dieu
Aux cedres & piniers ell’ esprouve sa force,
Decoupant, detranchant, la plus polie escorce.
Elle visite l’arbre & le va secoüant,
Reprouvant cettuy là, cettuy-cy avoüant.
Ainsi voit on celuy qui negligeant son estre
Veut traverser les flots en mesurant un hestre,
Accommodant un aulne à usages divers.
Ce long arbre sera les deux costez couvers
De voiles porte-vent, & cest autre d’eslite
Sera rangé au mast, sa force le merite.
Le ployable est tout propre à faire l’aviron :
L’eveux se coulera dans le moite giron.
Deux cipres estoient là d’une excellente grace,
Leurs chefs inviolez passoient d’un long espace
Tous les arbres voisins : Xante n’en a point veu
Ny Oronte nomplus de beauté si pourveu :
On les diroit germains tous pareils en branchage,
Et d’un sommet esgal desprisent le bocage.
Ceres merque de l’œil, & sans plus retarder
A son propre besoin les veut accommoder,
Troussant l’accoustrement ayant la main armee
Elle renverse à bas leur plaisante ramee.
De ces coups furieux les Faunes ont douleur,
Les Driades aussi en changent de couleur.
Les ayant pris tous deux elle jette en arriere
Ses cheveux mal peignez & d’une alleure fiere
Grimpe dessus le mont sans craindre les cailloux,
Ny de la vive ardeur le violant courroux.
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