et dont aucune ornithologie européenne ne parle, rappelle
un fait semblable que l’on croyait exclusivement
particulier à une espèce de Chouette de l’Amérique, la
Chouette à terrier (Noctua cunicularia). Cette Chouette
est très-répandue sur le continent américain, soit au
nord, soit au midi, quoiqu’on la rencontre seulement
dans les parties du Nouveau Monde qui conviennent
à son genre de vie. Son nom dérive de la nature
des retraites qu’elle préfère. Les autres oiseaux de
cette famille recherchent uniquement les endroits retirés
dans les bois, les forêts, les édifices en ruine ; la
Chouette dont il s’agit aime, au contraire, à demeurer
dans les plaines ouvertes, en compagnie d’autres animaux
11. — Hibou Grand-Duc. Strix lubo. Linné. T. 0m 60. Europe.
remarquables par
leurs dispositions sociables.
Au lieu de planer
mystérieusement au crépuscule du
soir ou du matin
pour se retirer ensuite dans
son repaire, cet oiseau aime
la franche lumière du soleil
et le milieu de la journée.
Il vole alors rapidement
pour chercher sa nourriture
ou suivre son bon
plaisir, puis il retourne
alors à sa demeure souterraine.
S’il ne se creuse
pas positivement de terrier,
comme la Marmotte
de prairie, il occupe ceux
qui ont été creusés par
les Tatous et les Viscaches.
Ces Chouettes ont été observées par Molina, par d’Azara, par d’Orbigny et par M. Gay ; si on les surprend dans le voisinage de leurs terriers, ou elles s’envolent seulement à quelque petite distance, ou elles s’enfoncent au fond des trous, d’où il est ensuite très-difficile de les déloger.
Un voyageur anglais, le capitaine sir Francis Head, observa aussi ces Chouettes vivant en compagnie des Viscaches dans les Pampas de l’Amérique du Sud. « Vers le soir, dit-il, les Viscaches se tiennent hors de leurs terriers, avec un air sérieux comme des philosophes ou des moralistes, graves et réfléchis. Mais, pendant la journée, les ouvertures des gîtes souterrains sont gardées par des Chouettes qui ne quittent pas leur poste. Pendant que les voyageurs galopaient dans la plaine, elles continuaient leur faction, les regardant passer, et hochant, les unes après les autres, leurs têtes vénérables d’une manière presque ridicule à force d’être solennelle. Lorsque les cavaliers passaient très-près d’elles, les sentinelles perdaient beaucoup de leur air de dignité et se précipitaient dans les trous. » « Cette association, dit le docteur Franklin, entre des animaux d’une nature si différente, a lieu de fixer l’attention des naturalistes. »
Cette Chouette, que d’Azara nomme Urucurea, marche avec agilité et à pas précipités ; c’est, de tous les oiseaux de nuit, le moins nocturne ; on le voit presque à toute heure hors de sa demeure souterraine, qu’il partage avec sa femelle et sa couvée. Aussitôt que les petits sont assez forts, ils arrivent à l’ouverture du terrier pour se tenir au soleil, et ne tardent pas à chercher un autre trou pour se loger. Quelquefois cette Chouette se perche sur les troncs d’arbres brisés, jamais ailleurs. Les Rats, les Grillons et d’autres insectes forment le fond de sa nourriture. Le même voyageur a vu quelques oiseaux de cette espèce que l’on élevait dans les maisons ; on les y nourrissait avec de la chair crue, et il a observé qu’ils refusaient de manger de la viande cuite et de la graisse. Une autre espèce de l’Amérique du Nord, Strix hypogœa, niche dans les terriers des petits rongeurs connus sous le nom de Spermophiles.
Nous avons vu le Moyen-Duc et le Brachyote se nourrir accessoirement de poissons. Il est une autre espèce, le Kétupu de Ceylan, qui, par ses mœurs et ses habitudes, représente, parmi les Rapaces nocturnes, le Balbuzard, dont nous parlerons dans un prochain numéro. Avec les deux aigrettes caractéristiques du groupe, cet oiseau a le tarse nu et granulé du Balbuzard et pêche comme celui-ci. C’est ce que sont venues confirmer les observations du major Hodgson. Les Kétupus fréquentent souvent en effet les bords des rivières : aussi les poissons et les Crabes entrent-ils pour une grande part dans leur nourriture. Les caractères extérieurs de ces oiseaux leur donnent l’aspect d’une Effraie qui aurait des aigrettes.