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les trois règnes.

Les Accipitres nocturnes se distinguent des diurnes, par de gros yeux à fleur de tête, dirigés en avant et entourés d’un cercle de plumes sétacées, décomposées, rigides, formant, par leur rayonnement circulaire autour de la face, ce que l’on est convenu d’appeler le disque facial ; ils se distinguent encore par l’absence de cire à la base du bec, cette cire étant remplacée par une simple peau recouverte de poils allongés et dirigés en avant ; par des tarses et des doigts généralement courts, et, le plus souvent, emplumés jusqu’aux ongles, qui sont rétractiles, recourbés et acérés ; par un plumage épais, abondant, léger, soyeux, augmentant considérablement, par sa masse, l’aspect et le volume du corps et de la tête, qui est naturellement plus grosse et plus développée que celle des Accipitres diurnes.

Destinés à arrêter la trop grande multiplication des mammifères rongeurs ou fouisseurs, qui ne sortent de leurs retraites qu’après le coucher du soleil pour ravager les récoltes de toutes sortes, la nature a doué ces oiseaux de toutes les facultés qui pouvaient favoriser cette chasse nocturne. Ils ont une sensibilité de vue si grande, qu’ils paraissent, selon l’expression de Buffon, être éblouis par la clarté du jour, et entièrement aveuglés par les rayons du soleil ; il leur faut une lumière plus douce, telle que celle de l’aurore et du crépuscule. Le sens de l’ouïe est chez eux d’une finesse extrême, et il paraît, dit l’éloquent naturaliste, qu’ils ont ce sens supérieur à celui de tous les autres oiseaux, et peut-être même à celui de tous les animaux ; leur oreille est proportionnément très-grande, le pavillon, remplacé par des plumes très-mobiles, leur permet de fermer et d’ouvrir à volonté la conque auditive, ce qui n’est donné à aucun animal.

Le vol silencieux de ces oiseaux leur permet, en outre, de saisir furtivement leur proie durant les heures tranquilles où le moindre bruit donnerait l’éveil à toute la nature vivante. Ce silence complet dans le mouvement et l’exécution du vol dépend, d’une part, de la nature floconneuse de leurs plumes, qui, ne formant pas plaque par leur juxtaposition comme chez les rapaces diurnes, permet à l’air de passer entre elles, sans résistance ; et ; d’autre part, de la forme et de la flexibilité de leurs ailes.

En parlant des trois principales formes de l’aile chez les oiseaux de proie, d’après un savant naturaliste qui nous sert encore de guide ici, nous dirons que les ailes à pointe aiguë et celles à pointe mousse appartiennent aux Accipitres diurnes, tandis que les nocturnes ont l’aile arrondie et presque toujours uniformément concave. Des ailes de cette forme, avec une certaine ampleur, comme c’est le cas des Chouettes, des Hiboux, etc., peuvent permettre un vol soutenu, quoique toujours peu rapide. Ces chasseurs nocturnes ne peuvent, en effet, à cause de l’obscurité qui règne à l’heure où ils se mettent en campagne, apercevoir au loin leur proie, et il faut qu’ils fassent beaucoup de chemin pour la découvrir. Leurs mouvements, d’ailleurs, n’ont pas besoin d’être rapides, car les animaux qu’ils poursuivent fuient avec peu d’agilité, ou, à cette heure, ne songent pas à fuir. Sur la terre, c’est une Grenouille, un Mulot, une Souris ; sous la feuillée, et encore très-rarement et tout exceptionnellement, ce sont des oiseaux endormis ; mais encore faut-il approcher ces derniers sans bruit, car une fois éveillés ils échapperaient infailliblement. Les ailes des Strigidés frappent l’air sans produire le moindre bruit, et ils doivent cette faculté, comme nous venons de le dire, un peu à leur forme sans doute, mais surtout à la structure des plumes dont elles sont composées.

Si l’on examine de près une plume d’Oie, on voit que toutes les barbes d’un même côté se tiennent entre elles, et ne peuvent être séparées sans un certain effort. Les a-t-on désunies en les frottant du bout de la tige vers le tuyau, il suffit de passer la plume entre les doigts dans le sens normal pour que toutes ces barbes adhèrent de nouveau. Cela tient à ce que chacune d’elles est garnie de deux rangs de crochets à l’aide desquels elle se fixe à ses deux voisines, crochets qui, grâce à leur disposition et à leur élasticité, se replacent d’eux-mêmes dès que les barbes, accidentellement écartées, ont repris leur position naturelle. Chez le plus grand nombre des oiseaux, ces barbes, vers l’extrémité, s’amincissent, deviennent molles, et dans cette partie, portent, au lieu de crochets, de petites barbules soyeuses. Ce n’est pas le cas cependant chez les espèces dont le vol, brusque et impétueux, s’exécute au moyen d’une succession rapide de coups d’ailes. Là, chaque plume est, comme une bande de baleine, résistante et élastique jusque sur le bord ; les barbes, étroitement serrées, sont presque aussi fermes à la pointe qu’à la base, accrochées entre elles dans toute leur longueur ; enfin, toutes les pennes se recouvrent si exactement, qu’elles ne laissent à l’air aucun intervalle pour s’échapper. Telle est la disposition que nous présente l’aile des Colibris, dont le vol est accompagné d’un bruit qui ressemble à un bourdonnement. L’aile des Accipitres nocturnes, qui doit être silencieuse, offre une disposition différente. Ces oiseaux ont des rémiges larges ; mais leur tige, délicate et souple, n’a que des barbes lâches et molles. Les premières pennes même présentent cette particularité que, du côté interne, les barbes, au lieu d’être couchées à plat les unes sur les autres, se séparent vers le milieu de leur longueur, sont disjointes et onduleuses à leur extrémité, et laissent largement passer l’air. Aussi ces ailes, qui frappent l’air très-lentement, ne font entendre aucun bruit, et ne produisent, même de près, que la sensation d’un léger courant d’air. Enfin, la faculté qu’a leur tête énorme de se tourner facilement sur les vertèbres cervicales, permet à ces oiseaux myopes d’embrasser tout l’espace et de diriger leur face vers le dos sans le moindre mouvement du corps.

Tous les oiseaux de cette famille ont le plumage teinté de couleurs douces, de gris, de brun, de blanc et de roux plus ou moins vif. Quelques grosses espèces