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gieuse. Mais la pensée resta une, et les empires, condamnés à mort, furent trouvés à genoux devant l’autel. Oh ! si toute chose humaine emporte sa destruction avec elle, il y a grandeur et gloire dans ce besoin de se prémunir par la révolte contre l’inattention odieuse du ciel. Le ciel ne semble-t-il pas frapper sans regarder et promener nonchalamment ses mortelles mains dans l’espace où il a semé la vie temporaire !…

LE CHŒUR.

Il blasphème ! il blasphème ! maudit soit-il ! il élève sa voix en imprécations, et ne songe pas que cette voix lui fut donnée par son créateur !

PROMÉTHÉE.

S’il m’a donné ma voix, au moins ne peut-il, m’ayant aussi doté de misère, m’empêcher de l’accuser. Ces facultés que nous tenons de lui, demi-perfection à laquelle il manque ou la tête ou la base, chef-d’œuvre tracé sur le sable, ces facultés, oui, nous rendent plus dure l’absence de celles qui nous manquent. Déjà sur la terre notre force ne sert qu’imparfaitement nos desseins, et si nous nous élançons par la pensée vers le séjour qui nous est promis, nous heurtons une volonté éternelle qui en barre l’entrée et, pour prix de notre audace, nous rejette violemment, tout nus, sur un sol froid et borné. Obéisse qui en a la force ! je ne l’ai pas eue. Moi, ma faute fut grande à ne pas me permettre le repentir. Ce que ne peut essayer l’homme, je crus l’accomplir. De la place où je me traînais, je m’élançai vers les plus hautes régions. J’étendis ma pensée et m’abandonnai à ses ailes sublimes ; ardent à courir au-devant de la lumière, je m’en laissais