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Gœthe serait-il revenu à Victor Hugo ? Nous ne saurions l’affirmer. Plus romantique que Schiller luimême, quoique plus maître de.sa forme et de son art, Victor Hugo, par ses contrastes réels et ses irrégularités apparentes, n’aurait-il pas toujours éloigné cette intelligence, éprise avant tout d’harmonie et de clarté ?,

Exceptons ce jugement peu favorable à Victor Hugo. Gœthe ne nous paraîtra-t-il pas infaillible dans sa modération, dans son impartialité, dans l’exposé lucide de ses motifs de blâme et d’admiration ? Aussi grand critique qu’il est grand poëte, il nous apparaît comme le juge qui ne se trompe jamais, doué d’une instinctive faculté de voir juste et de penser sainement. Cette faculté, nous l’appellerons la certitude. A quoi Gœthe devait-il cette puissance de jugement, plus étonnante encore que sa puissance inventive et qui le servit autant pour ses chefs-d’œuvre ? Peut-être à sa nature parfaitement équilibrée, où il avait établi l’antique ataraxie, à coup sûr aux excellentes habitudes contractées par son esprit. La plus féconde de ces habitudes avait été de ne laisser en lui l’imagination libre et vigoureuse que sous la tutelle de la Raison. Un jour, il avait dit à Eckermann « Le grand art consiste à se borner. » Toute sa vie il mit en action cette parole. De là peut-être une certaine infériorité de Gœthe vis-à-vis des plus puissants de ses contemporains, mais de là aussi une supériorité de Gœthe homme, qui éclate dans ses Entretiens et qui se traduit par la logique de la doctrine littéraire