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philosophie, la critique et l’histoire. U|y impliquait de vive force Béranger, qui agrandissait un genre puéril, innovant par la pratique d’une prosodie plus sévère et par le choix de sujets plus modernes qu’archaïques. Si les controverses sur Béranger se rouvraient demain, ce poëte contesté trouverait en Gœthe un défenseur d’une autorité bien grave, et d’autant plus respectable, qu’avant les critiques récents, Gœthe avait fait la part des défauts de Béranger et de ses inconvenances avec la douce sévérité d’un admirateur jaloux de la perfection.

Béranger, pour Gœthe, était un romantique ; mais il y avait d’autres romantiques plus déclarés. Tous leurs efforts intéressent Gœthe : il cite Lamartine, Mme Tastu, et cette noble muse qui devait s’appeler Mme de Girardin. Il loue Stendhal en passant, mais d’un de ces éloges qui se gravent dans leur concision profonde. Il fête le succès de Henri III. Pour Eugène Delacroix, il est prophète ; il ne l’est pas moins pour Mérimée, qui lui paraîtrait peut-être le plus original des novateurs. Nul n’a mieux défini que Gœthe ce mélange de scepticisme et de superstition, d’ironie mondaine et de sauvagerie naïve qui se fondent si merveilleusement dans l’œuvre étrange et durable qui, touchant à Calderon par Clara Gazul, devait rejoindre Eschyle par Colomba Mais, faut-il le dire à la charge de Gœthe, il est un de ces romantiques de 1825, bien autrement grand que Mérimée, à qui le sage de Weimar n’a pas rendu justice : c’est Victor Hugo, dont Gœthe salue les débuts pour l’abandonner quelques années après.