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défiguré, présenté au public sous un jour faux, voilà ce que je vois de plus regrettable au bout de cette tententative. En vain, madame, essayez-vous de la justifier par l’exemple de Racine, Racine n’a jamais prétendu imiter les Guêpes. Il y a pris l’opposition de Perrin Dandin et de son fils, quelques incidents et quelques détails en petit nombre ; ensuite il a marché avec une indépendance absolue, et de son cerveau en fête il a fait jaillir, armé du mètre rapide, son agressive, son étincelante comédie. C’est ce que vous auriez dû faire, je crois, à l’égard d’Aristophane : en lui empruntant sa donnée, vous affranchir de sa tutelle. Supposez la scène transportée à Rome quelques siècles plus tard. Les invraisemblances s’atténueraient ; la passion d’une jeune fille pour un esclave se comprendrait davantage sous l’action des idées stoïciennes et chrétiennes ; la Pauvreté pourrait tenir ce langage humctr nitaire quand l’égalité des êtres a été affirmée par Épictète et Sénèque. De plus les beautés qui se mêlent à votre comédie nous saisiraient plus vivement si la crainte des anachronismes et le souvenir d’Aristo phane ne faisaient obstacle à notre sympathie. Vous nous défendez vous même de vous admirer en associant votre travail au chef-d’œuvre d’un maître immortel qui n’a pas besoin de collaborateur posthume. Pour que votre Plutus échappât à l’oubli, il faudrait que le Plutus d’Aristophane n’eût jamais existé.

Mais ce chef-d’œuvre existe, mais Aristophane est toujours vivant, et il n’appartient à personne de transformer selon son caprice cette originalité qui s’éternise.