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lui avoir fait gagner la liberté en l’envoyant sur la flotte athénienne. Conception malheureuse ! personnages faux ! installer l’amour dans le théâtre d’Aristophane ! mais de quel droit ? Ce poëte vous en donne-t-il l’exemple ? Sans doute les femmes ne sont pas exclues de ses comédies, mais quelles femmes ! Souvenez-vous de Myrrhine et de Lysistrata. Avec elles la sensualité se prélasse victorieusement dans ces bouffonneries sublimes ; mais l’amour, qu’elles n’ont jamais soupçonné, s’en éloigne avec répugnance. Répugnance partagée par Aristophane, qui ne voyait dans l’amour qu’un attrait physique ou qu’un délire de l’âme. Lui qui dans les Grenouilles fait reproche à Euripide d’avoir introduit l’amour dans toutes ses pièces, ne se serait pas donné le démenti de peindre des passions pour lesquelles il n’eût pas trouvé de couleurs. Que diriezvous d’un maladroit imitateur qui, dans les facéties poétiques de Rabelais, ferait figurer des frères anticipés de votre Irenmor et de votre Sténio ? Vous crieriez à la trahison ; et vous, qu’avez-vous donc fait ?

Aristophane protesterait contre cette intrigue amoureuse. Mais avez-vous, au moins par intuition, deviné l’expression de l’amour à cette époque ? Euripide pouvait vous conseiller ; Platon-ne vous eût pas été inutile. Vous n’avez consulté que votre imagination. Delà deux personnages dont l’existence, au temps d’Aristophane, est, sinon impossible, du moins invraisemblable. Votre Bactisme semble un type de convention ; c’est de tout point ce sauvage idéal que les écrivains trop ingénieux nous rendent à toutes les époques de