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Ce système, que vous avez inauguré, madame, dans votre imitation de Comme il vous plaira, de Shakespeare, consiste à prendre non pas une chronique perdue dans un in-folio, mais bien un des chefs-d’œuvre du génie humain, et, avec un double procédé d’addition et d’élimination, à refaire à côté un second ouvrage identique en apparence, mais, pour qui sait observer, absolument dissemblable par une infinité de détails qui se trouvent creuser un abîme entre l’imitation et le modèle. C’est un second ouvrage, avons-nous dit ; sera-ce un second chef-d’œuvre ? Il est évident que non : Comme il vous plaira l’a prouvé à la gloire de Shakespeare, Plutus le démontre à l’avantage d’Aristophane. Et il n’en peut être autrement. J’admets, madame, que les convenances du goût moderne et de la morale épurée président à vos suppressions ; mais dans quelle mesure pouvez-vous vous permettre ces changements ou ces additions sans courir le risque de fausser l’intention de l’auteur et de mentir à l’esprit de son œuvre ? Ce rôle de Jacques que vous avez agrandi dans Comme il vous plaira, Shakespeare n’avait-il pas ses raisons pour le restreindre à des proportions plus modestes ? Le mélancolique exilé qui traverse cette féerie des Ardennes n’excite-t-il pas plus d’intérêt et ne laisse-t-il pas une impression plus vive par ses apparitions intermittentes que si vous en faites le principal acteur de cette galante pastorale, et en quelque sorte l’Alceste du Lignon ? De quel droit également imposez-vous au vieil Aristophane des personnages qui sont en contradiction perpétuelle avec ses