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gallo-grecque qui s’est établie dans la terre des apothéoses.

Mais elle est encore destinée à bien des transformations, cette poésie semblable au Phénix. En dépit des mauvais écrivains qui la défigurent, des Jean-Baptiste, des Louis Racine, des La Mothe, des Crébillon, elle rit avec Voltaire d’un sourire fin et discret dont les imitateurs feront une grimace. Piron la costume en Bourguignonne joyeuse ; Gilbert, en Euménide indignée ; André Chénier lui rend l’arc de Délos et la ceinture enchanteresse ; Roucher cueille pour elle un bouquet de fleurs sauvages qui ont les âcres senteurs des montagnes ; Marie-Joseph Chénier lui fait porter fièrement la toge consulaire ; Fontanes l’attable, gracieuse et nonchalante, sous les ombrages modestes où s’ébattait Horace ; Népomucène Lemercier la promène sur tous les sommets, la plonge dans tous les précipices, et la ramène de ses aventures escarpées meurtrie, ensanglantée, méconnaissable, mais revêtue de cette auréole étrange que l’on doit à la fréquentation des cimes. — Métamorphoses incessantes auxquelles nous assistons en feuilletant ces pages vivantes !

Que sera-ce quand nous arriverons au XIXe siècle, si fertile, et que nous verrons cette poésie, tour à tour prestigieuse, improvisatrice, avec Soumet et Méry ; philosophique dans la tente où rêve l’officier qui sera Alfred de Vigny ; intime et franchement bourgeoise dans la chambre où médite l’étudiant qui sera Sainte-Beuve ? Musset surgit comme un maître indolent