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que l’école nouvelle demandera ses inspirations, moins grandioses que nobles ; amie du Grand plutôt que du Beau, curieuse de l’ordre et de la majesté du PeupleRoi plus que de la divine simplicité dont s’enamourait la Grèce adolescente.

Ainsi Rome impose aux nouveaux venus le code littéraire d’Horace et l’émulation de Lucain. C’est un élève de Stace que le nerveux Malherbe qui introduisit la dignité dans la langue poétique. Les vers de Racan et de Maynard ont des sonorités d’hexamètre. Et quant à Corneille, son rival l’a dit :

Corneitle est à Rouen, mais son âme est à Rome.

Boileau et Molière sont aussi Romains que Gaulois. Tous les poëtes qui leur succéderont seront infailliblement de race latine. Deux génies seulement, au XVIIe siècle, échappent à cette domination de Vurbs impérieuse, deux rares génies qui viennent imprimer un caractère nouveau à notre poésie, en combinant les dons les plus opposés, l’esprit moderne et le sentiment de l’antiquité. Toute la Grèce héroïque se retrouve dans Racine, toute la France amoureuse s’y reconnaît aussi ; il y a dans La Fontaine, le dernier et le meilleur des Gaulois, un Villon purifié, un Marot agrandi, un Régnier transfiguré, et en même temps il nous apparaît comme un poëte de.race homérique qui garde à lui seul la conscience de la mythologie et porte tout l’Olympe dans son imagination éprise de merveilles. Avec ces deux hommes, la poésie française est une