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que tout autre, ce chant de cigale qui résonna si mélodieusement sous les treilles de Téos. Poëte-oiseau, il se joue en modulations infinies ; il multiplie ses roulades, c’est-à-dire les rhythmes innombrables créés par sa fantaisie savante et légués à notre siècle, qui n’a pas épuisé ce prodigieux héritage. Le vrai sentiment de la nature, l’intuition de la mythologie primitive, où frissonnent les dieux passionnés, enfantins et farouches, un accent de volupté mélancolique qui laisse soupçonner la mort comme chez Horace, voilà les beautés distinctives de Ronsard et de ses frères.

Après la pléiade, décadence momentanée, mais cependant transformation. Une école italienne naît dans l’antichambre du dernier Valois. Desportes y rayonne comme un astre douteux. La grâce règne avec lui, mais une grâce alambiquée et frivole. Il est temps qu’une évolution se fasse. Un groupe trop restreint de vrais Gaulois, moins prosaïques que Marot, surexcités par le souffle impétueux de Ronsard, inaugure une poésie libre et colorée, très-hardie d’allures et de langage, plus nationale peut-être que toutes les écoles qui sont venues depuis. C’est la bande trop peu connue de Passerat, de Gilles Durant, de Vauquelin dela Fresnaye, de Régnier, à laquelle se rattachera d’Aubigné, par une franchise et une rondeur de style qui sentent l’époque rassérénée du Béarnais. Mais la poésie devait changer de route et se retourner vers l’antiquité maternelle, peut-être pour y puiser une séve héroïque qu’elle eût en vain attendue de la terre natale. Cette fois, ce n’est pas à la Grèce, c’est à Rome