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du goût. Écoutons la vérité vengeresse sur les lèvres éloquentes des frères de Goncourt (1).

« Toute l’opinion tourna en curiosité. L’attention, « les oreilles, les âmes, l’atonné, la société, tombèrent « aux cancans, aux médisances, aux calomnies, à la « curée des basses anecdotes, à la guerre servile de « l’envie, à tout ce qui diminue en un mot l’honneur « de chacun dans la conscience de tous… Le petit « journal grattait et chatouillait une des plus miséra « bles passions de la petite bourgeoisie : il donnait « une voix et une arme à son impatience de l’inégalité « des individus devant l’intelligence et le renom, à sa « rancune latente, honteuse, mais profonde et vive, « des priviléges de la pensée. Il la consolait dans ses « jalousie s il la renforçait dans ses instincts et dans « ses préjugés contre la nouvelle aristocratie des so « ciétés sans caste, l’aristocratie des lettres. »

Ils ont dit vrai, ces deux grands artistes. Aussi, comme ceux qu’ils apprécient à leur mesure auraient réussi à déformer le public, si leur influence n’avait fini par rencontrer des obstacles même dans les journaux où ils tenaient boutique de poisons, ou pour le moins de philtres endormeurs ! A côté de ces diseurs de riens ou d’énormités il s’est heureusement élevé sept ou huit hommes spirituels et vaillants qui, dans ce tumulte, ont su toujours comprendre leur devoir, respecter la dignité littéraire, et n’user d’une publicité aussi étendue que pour répandre plus largement des idées

(1) Ch. Demailly, édit. de 1868, p. 19.