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Polyphème, poursuivi par Galathée, quand il ne songe pas à elle, la met en fuite aussitôt qu’il revient vers la jeune fille épris et suppliant. « Certes, il ne l’aimait pas avec des pommes, une rose ou une boucle de cheveux, mais avec des violences passionnées. » il aime tant Galathée, il la trouve si charmante avec sa peau « plus blanche que le fromage et plus luisante que le raisin vert. » Il souffre cruellement de se voir dédaigné. « La tête et les pieds lui brûlent ! » Il dit encore que pour rejoindre Galathée dans les flots il voudrait apprendre à nager du premier voyageur qui débarquera dans l’île. C’est un de ces enfantillages non pas cherchés à plaisir, mais comme la passion en suggère dans son impétueuse naïveté.

Chez Polyphème la douleur se contient encore. Mais que dirons-nous de ce chevrier délaissé par Amaryllis ? sa douleur déborde en expressions violentes, de même qu’elle se répand en souvenirs enfantins. Il parle de la chèvre qu’il réservait à Amaryllis, de la devineresse qu’il a consultée, de la feuille de pavot à laquelle il a demandé ses destinées comme nous ferions avec les pâquerettes. Il forme des projets de mort avec une tristesse profonde et ingénue : « Je dépouillerai mon vêtement de peau et je me jetterai dans l’écume là où le pêcheur Olpis guette les thons. » Et à la fin : « J’ai mal à la tête, mais que t’importe ! Je ne chanterai plus ; je vais tomber et rester là gisant, et les loups me mangeront, et ce sera pour toi comme si tu mangeais du miel. » C’est le cri déchirant d’un cœur qui se brise en laissant échapper son dernier soupir. Dans toutes ces