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est tellement devenu la pensée dominante, qu’elles associent involontairement l’idée de la mort a celle de la rupture. En véritables sœurs de Juliette, elles sourient par avance à la mort et se jouent avec toutes ces images funèbres qui nous font aisément frissonner. La mort apparaît-elle plus facile sous la clarté de ce soleil qui égaye toute chose ? et ses coups sont-ils attendus comme ces traits qu’Homère appelait les douces flèches de Diane ? Cette exubérance de vie crée peut-être l’insouciance de la mort. Car il n’y a rien dans cette fréquence d’images funèbres, rien qui sente la mélancolie d’un Atala, le dégoût de l’existence, l’amertume empoisonnée des illusions flétries ; aucune de ces contadines n’appelle le trépas, mais elles l’acceptent d’avance si ^ ! 1ôo ne peuvent jouir dans toute sa plénitude de la vie rêvée, de la vie heureuse. C’est vraiment un des signes du caractère italien que ce calme avec lequel des jeunes filles prévoient, attendent, méditent le grand voyage aux pays inconnus. « Quand tu entendras dire que je « suis morte, tous les jours tu viendras à la messe… « Je vois la croix et le drap noir : amour, tu m’as me « née au cimetière ; je vois la croix et le drap blanc : « tu m’as menée, amour, au Campo-Santo. » Aimer ainsi « jusqu’à mourir » n’est-ce pas vraiment la plus généreuse ambition d’une âme, l’aspiration qui agrandit l’amour en lui ouvrant une perspective sur l’éternité ?

En résumé, toute la vie italienne est contenue dans ces poëmes où l’âme d’un peuple chante, une âme telle que je n’en connais pas de plus grande pour être