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de fièvre passionnée. Ce respect s’explique par le ravage que produit dans ces âmes excessives l’apparition de la femme aimée. En sa présence, elles vivent dans l’extase comme au milieu du buisson ardent ; baignées de joie, inondées de délices, elles habitent un monde plus élevé que le monde des sens ; elles ont conquis leur ciel. L’expression de leur gratitude amoureuse ne peut donc prendre qu’un accent mystique. Ce n’est pas assez pour leur fiancé de les appeler : « Ma reine impératrice » ; ils diront à une belle : « Vous avez des yeux pour regarder le paradis. » Ils croiront voir les anges un par un se poser sur la tête chérie ; ils iront même jusqu’à supposer que leur fiancée peut être servie, contemplée, que dis-je, aimée par les anges. On ne sait à quelles limites, dans ce mysticisme effréné, s’arrête l’ange, où commence la femme, ou, pour mieux dire, l’ange et la femme se confondent et apparaissent tellement mêlés à l’enthousiaste, qu’il n’a plus devant les yeux qu’une créature privilégiée et surnaturelle qui promet à sa constance une sorte de félicité catholique.

Tels sont les amoureux qui se montrent à nous, telles les Italiennes qu’ils nous dépeignent. Dépouillezles de cette auréole mystique, vous trouverez des femmes d’une nature franche et mobile, pleines de scrupules et de passions, aussi brûlantes pour l’amour divin que crédules aux affections, humaines, et, dans leur entraînement, plus fières, plus hautaines, souvent plus sûres d’elles-mêmes qu’aucune des Charlotte ou des Gretchen d’outre-Rhin. Elles ne vivent que par l’espoir d’appartenir un jour à l’être aimé. Cet espoir